Dans un monde où l’administration se digitalise, les citoyens font face à de nouveaux défis pour contester les décisions prises par des algorithmes. Quels sont vos recours face à ces décisions administratives numériques ?
Le cadre juridique des décisions administratives numériques
Les décisions administratives numériques sont encadrées par la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique. Cette loi pose le principe de transparence des algorithmes utilisés par l’administration pour prendre des décisions individuelles. Les citoyens ont le droit d’être informés de l’utilisation d’un traitement algorithmique et peuvent demander les règles définissant ce traitement ainsi que les principales caractéristiques de sa mise en œuvre.
La Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) joue un rôle crucial dans l’application de ce droit. Elle peut être saisie en cas de refus de l’administration de communiquer ces informations. De plus, le Règlement général sur la protection des données (RGPD) renforce les droits des citoyens en matière de traitement automatisé de leurs données personnelles.
Les voies de recours classiques adaptées au numérique
Les recours administratifs traditionnels restent applicables aux décisions numériques. Le recours gracieux, adressé à l’auteur de la décision, et le recours hiérarchique, adressé au supérieur hiérarchique, sont toujours possibles. Ces recours peuvent être exercés par voie électronique, conformément au Code des relations entre le public et l’administration.
Le recours contentieux devant le tribunal administratif est ouvert dans un délai de deux mois suivant la notification de la décision ou le rejet du recours administratif. La procédure de référé peut être utilisée en cas d’urgence, notamment pour obtenir la suspension de l’exécution d’une décision administrative numérique.
Les recours spécifiques aux traitements algorithmiques
La loi pour une République numérique a introduit de nouveaux droits spécifiques aux décisions algorithmiques. Les citoyens peuvent demander à l’administration de revoir une décision prise sur le seul fondement d’un traitement algorithmique. Cette demande doit être traitée par un agent humain qui peut modifier la décision initiale.
En cas de non-respect de l’obligation de transparence algorithmique, un recours peut être formé devant la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL). Celle-ci dispose de pouvoirs de sanction et peut ordonner à l’administration de se mettre en conformité avec la loi.
Le rôle du Défenseur des droits dans le contrôle des décisions numériques
Le Défenseur des droits s’est saisi de la question des décisions administratives numériques. Il peut être saisi par tout citoyen s’estimant lésé par une telle décision. Son intervention peut prendre la forme de recommandations à l’administration ou d’une médiation entre le citoyen et l’autorité administrative.
Le Défenseur des droits a notamment publié un rapport sur les algorithmes publics, soulignant les risques de discrimination et appelant à un renforcement du contrôle humain sur les décisions automatisées.
Les enjeux futurs des recours contre les décisions numériques
L’évolution rapide des technologies, notamment de l’intelligence artificielle, pose de nouveaux défis pour le droit administratif. La question de la responsabilité en cas de décision erronée prise par un algorithme reste à clarifier. De même, l’explicabilité des décisions issues de systèmes d’IA complexes constitue un enjeu majeur pour garantir l’effectivité des recours.
Le Conseil d’État a commencé à se pencher sur ces questions, notamment dans son étude annuelle de 2017 intitulée « Puissance publique et plateformes numériques ». Il préconise une adaptation du droit administratif pour prendre en compte les spécificités des décisions numériques.
Face à ces défis, de nouvelles formes de recours pourraient émerger, comme la possibilité de contester non seulement la décision finale, mais aussi le processus algorithmique lui-même. Des audits indépendants des systèmes de décision automatisés pourraient devenir une étape obligatoire avant leur mise en œuvre par l’administration.
Les citoyens disposent aujourd’hui d’un arsenal juridique pour contester les décisions administratives numériques. Toutefois, l’effectivité de ces recours repose sur une vigilance accrue et une adaptation continue du droit aux évolutions technologiques.
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